Kōdō

Écouter l’encens ( ko o kiku )

Si les encens sont répandus de part le monde de manière quasi universelle, c’est bien au Japon que l’art de l’encens a trouvé son aboutissement le plus complet en terme de raffinement, de cérémonie ou de variété. Mais comme souvent avec le Japon, nous somme en terre de paradoxes. Les senteurs sont discrètes, le nombre d’ingrédient limité, les résines presque absentes au profit des bois et des épices; offrant ainsi une palette plus limitée de senteurs que ce à quoi on est accoutumé en occident.

D’après une tradition japonaise, l’usage de l’encens est né d’un événement fortuit : vers 595 de notre ère, une branche de bois d’aloes s’est échouée sur une plage de l’île d’Awaji ; les habitants du village tout proche ayant remarqué l’odeur délicate du bois, il fut présenté à la cour, où ses senteurs déclenchèrent les passions. Durant la période Heian, il intègre les 3 arts majeurs aux cotés de la Cérémonie du thé et de l’Ikebana. Codifié par le shogun Yoshimasa Ashikaga (1436-1490), le poète Sanjōnishi Sanetaka (1455-1537) ou Shino Sōshin (mort en 1522), c’est la naissance du Kōdō (la voie de l’encens), des rites et des jeux qui lui sont liés.

Si un ouvrage devait être associé au Kōdō, il s’agirait indubitable du Dit du Genji; dont les textes fournissent encore aujourd’hui les recettes de certain mélange et un jeu de l’encens nommé genjikō.

kodo miniban

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La voie de l’encens, en quelques mots…

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Traditionnellement, les dix vertus du kōdō (香十徳?) sont :

1.    感格鬼神 : Aiguise les sens
2.    清浄心身 : Purifie le corps et l’esprit
3.    能払汚穢 : Élimine les « polluants »
4.    能覚睡眠 : Réveille l’esprit
5.    静中成友 : Soigne le sentiment de solitude
6.    塵裏愉閑 : Calme les périodes agitées
7.    多而不厭 : N’est pas désagréable, même en abondance
8.    募而知足 : Même de petites quantités suffisent
9.    久蔵不朽 : Ne se décompose pas après une très longue durée
10.    常用無障 : Une utilisation habituelle ne nuit pas

Les essences de bois utilisées pour le kōdō sont divisées en « six pays et cinq saveurs » (六国五味, rikkoku gomi). Ce sont ces saveurs qui seront utilisées pour décrire les différents mélanges.

1.    kyara (伽羅) / Viêt-nam – Annam : amère (苦, nigai)
2.    rakoku (羅国) / Laos : doux (甘, amai)
3.    manaka (真那伽) / Malaisie – Port de Mallaca : Sans saveur
4.    minaban (真南蛮) /  le comptoir portugais : salé (鹹, shiokarai)
5.    sasora (佐曾羅) /Inde- Assam : épicé (辛, karai)
6.    sumotara (寸聞多羅) / Sumatra : acide (酸, suppai)

Enfin, les ingrédients les plus courants sont :

•    Calambac (沈香 jinkō) (bois d’agar)
•    Santal (白檀 byakudan)
•    Camphre de Bornéo (竜脳 ryūnō)
•    Benjoin (安息香 ansokukō)
•    Oliban (乳香 nyūkō)
•    Clou de girofle (丁字 chōji)
•    Anis étoilé (唐樒 tōshikimi?)
•    Rhubarbe (大黄 daiō)
•    Cannelle (桂皮 keihi)
•    Réglisse (甘草 kanzō)
•    Patchouli (パチョリ pachori)

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organigrame encens

Organigramme des familles d’encens

Les familles

L’encens japonais se présente sous différentes formes qui sont scindées en deux grandes familles  :

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Les encens à allumer (焚香)

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Le Sho-koh. Petits copeaux / granules / poudres de bois mis a brûler (et non chauffer) sur un morceau de charbon, la version la plus simple et la plus pure d’encens.

Les encens façonnés

  • Les bâtonnets ou Senkoh; est la forme la plus connue en occident, la plus simple aussi bien à l’acquisition qu’à l’appréciation. Ces bâtonnets sans coeur de bois ou de bambou sont réalisé à l’aide d’une pâte mélangeant eau, aromates, bois, épices et pour les version les plus triviales, des essences parfumées. Cette pâte est ensuite extrudée; les spaghetti formés sont mis à sécher selon des condition d’hygrométrie très spécifique et propre a chaque manufacture. Et les grades de qualité sont extrêmement variable (comme le prix); depuis les version parfumées jusqu’aux millésimes composés de Jinkoh rare. Concernant son usage, les bâtonnets sont principalement utilisés dans le but de parfumer ou comme offrande dans les temples et sanctuaires. Dans certain cas, il servent aussi d’horloge ou de marqueur pour tarifer la prestation d’un artiste.
  • Les cônes (ensui); spirales (uzumaki) et certain encens pressés sont confectionnés de manière assez similaire aux bâtonnets, souvent avec la même pâte. Crées dans les années 60 pour l’export, la seule différence résidant dans le fait qu’ils sont moulés; mais dans les deux cas ils ont utilisé en allumant la matière et en la laissant se consumer sans présence de flamme. La différence avec le senkoh réside dans l’usage d’agrément et non religieux qui est fait des cônes et spirales.
  • L’encens de pâte de cèdre (杉线香). De fabrication domestique, il est confectionné à l’aide de feuille / épine de cèdre pilées.
  • Les bâtonnets dotés d’un cœur de bambou, confectionnés par collage successif de poudre parfumée et mon par pâte amalgamée. Relativement rare et considéré comme bas de gamme.

Makko (抹香 ). Un lit de cendres blanches est tassé et creusé en forme de U à l’aide d’une presse de bois. Le creux formé est remplit de makko, une poudre de bois combustible, et saupoudrée de poudre d’encens spécifique. L’odeur se diffuse par la consumation du makkho. Cette façon de procéder est liée aux rites bouddhistes.

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Les encens à chauffer (熏香)

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L’encens pressé (inkoh 印香). Moulé en forme de fleur de de fleur de cerisier ou de prunier (printemps), de feuille de lotus  (été), d’éventail (automne), de chrysanthème ou de feuilles d’érable (automne à hiver) ou entièrement noir (hiver) pour symboliser les diverses saisons ou des poèmes (les deux étant liés). Sous cette forme, l’encens est utilisé durant la cérémonie du thé, et contrairement aux apparence; il n’est pas allumé. Il est au contraire déposé sur un lit de cendres chauffées par un morceau de charbon posé a proximité (ni en dessous, ni au dessus), ce qui rend son usage particulièrement délicat et complexe.

L’encens pétri (nerikoh 練香). Sûrement la plus ancienne forme d’encens façonné par la main de l’homme, et dont la présence imprègne le récit du Dit du Genji. Les poudres odorantes sont mélangé a du miel et de la prune du japon, avant d’être enfermées dans des jarres qui seront enterrée durant 3 à 5 ans; permettant la maturation du mélange. A l’issus du processus quasi alchimique, une matière noire a prit naissance, qui sera modelée en perles. cet encens est utilisé principalement en hiver durant la Cérémonie du thé; mis a chauffé sur la plaque de mica ou de la même manière que l’encens pressé.

Les bois. Le plus célèbre et le plus coûteux est le bois d’agar dont le prix peut rivaliser avec l’or pour les grades les plus fins et il est inodore à froid. Un petit éclat de la taille d’un grain de riz est mis a chauffé sur une fine plaque de mica déposé sur un lit de cendres surplombant un morceau de charbon. De cette manière, le bois est chauffé et non brûlé pour ne pas altérer le parfum.

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Enfin, en marge de ces deux familles, nous trouvons les encens qui ne subissent pas de traitement thermique :

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Poudre (zukoh 塗香). Composé de poudres de bois et d’aromates, née des rites bouddhistes indiens; cette poudre a pour but de purifier le corps mais ausis de le parfumer. Appliqué sure les poignet, le torse ou les lobes d’oreilles; c’est ce qui se rapproche le plus du parfum tel qu’on le conçoit en occident.

Les sachets (nion bukuro 匂い袋 et Fumikou 文香) confectionnés dans du papier washi ou des tissus précieux; ils sont remplit de poudre parfumée de composition très proche du zukoh. Les plus grands (nion bukuro) sont glissés dans les coffres a kimono, dans les manches ou a la ceinture des vêtements de manière traditionnelle, pendu a des suspensoirs décoratifs; ou de manière plus moderne dans une voiture ou un sac à main. Les plus petits (fumikou), très plat; servent a parfumer une lettre ou de manière moderne des cartes de visite.